Protocole de reconnaissance de vides souterrains en terrains crayeux du Calvados

Mis à jour le 01/07/2022

Parce que la méconnaissance des cavités peut engendrer un risque pour un projet, un bien ou des personnes, il peut s’avérer nécessaire de recourir à des investigations pour la détection et la reconnaissance de celles-ci.

La démarche globale de détection et de reconnaissance des cavités s’organise en plusieurs phases successives, plus ou moins développées selon les enjeux potentiellement impactés ainsi que la typologie et l’importance des cavités (dimension, nombre, profondeur…).

Détection et reconnaissance de cavité


Etudes documentaires
Les études documentaires sont un préalable indispensable à toute recherche ou reconnaissance de cavités. Elles se déroulent en deux étapes :
1. l’expertise géologique, qui consiste à porter un avis sur la nature des matériaux présent en sous-sol et sur la structure du terrain concerné, permet d'une part, de trancher sur la possibilité de présence de cavités naturelles et/ou anthropiques et d'autre part, de cibler les méthodes adaptées à la détection des cavités ;
2. la phase d’enquête, qui consiste à exploiter toutes les sources d'information disponibles (inventaires de cavités, archives historiques, photographies aériennes, …). Elle permet de documenter les cavités et les phénomènes survenus en lien avec celles-ci. Elle peut comporter une enquête orale auprès de la population locale, ainsi que des visites de terrain.

Méthodes géotechniques
Pour lever le risque (ou modifier les périmètres de sécurité), les méthodes de reconnaissance les plus couramment utilisées en Normandie sont les méthodes géotechniques, qui consistent à localiser la cavité ou l’accès via des méthodes dites « destructives » : les décapages, les sondages à la pelle mécanique et les forages destructifs.

En 2008, le LCPC (Laboratoire Central des Ponts et Chaussées) a rédigé un guide technique dédié aux méthodes de recherche, de reconnaissance et de traitement des cavités souterraines (LCPC, 2008). Le protocole proposé s’appuie sur une méthodologie développée au LRPC de Rouen.

En ce qui concerne les reconnaissances de cavités souterraines, ce protocole est notamment basé sur les statistiques réalisées en 2001 sur les marnières de Seine-Maritime et de l’Eure, et est donc adapté à ce type de vide sur le territoire du Calvados.

La plupart des descriptions ci-dessous sont reprises du guide élaboré par le LCPC en 2008. Les coûts mentionnés ci-dessous n’ont pas été actualisés depuis, il est fort probable que ceux-ci aient sensiblement évolué.

Décapage
Cette méthode est uniquement applicable aux marnières de plateaux avec un accès par puits en zone non urbanisée. L’objectif est de décaper la terre végétale pour atteindre les terrains en place (limons des plateaux, formations résiduelles à silex), sur une épaisseur de 50 à 60 centimètres, et ainsi mettre en évidence la présence de remblais ou de matériaux utilisés pour le comblement des puits. L’auscultation de la fouille est suivie visuellement par un spécialiste.

Cette méthode permet en outre de localiser d’anciens effondrements ou affaissements remblayés, ainsi que des bétoires (orifices naturels). La surface à décaper doit dépendre de l’imprécision de localisation de l’indice que l’on recherche. Pour rappel, dans le Calvados, le périmètre d’imprécision autour d’un indice correspond à un rayon de 25 m.

Cette technique est généralement la première à être mise en place pour la reconnaissance d’une cavité souterraine. Son coût est relativement faible (de l’ordre de 2500 € HT pour une surface décapée de 1500 m² environ – données issues du guide du LCPC de 2008).

En terme d’inconvénients, le décapage est à mettre en œuvre uniquement sur des terrains nus, dépourvus de toute construction, et n’ayant subi aucun remblaiement important.

Sondage à la pelle mécanique
Le sondage à la pelle mécanique est utilisé lorsque l’indice de cavité est visible sur le terrain. Il peut être mis en œuvre suite à la découverte d’une anomalie lors d’un décapage, ou pour rechercher l’origine d’un désordre en surface (effondrement ou affaissement). L’auscultation de la fouille est réalisée par un spécialiste. Le prix d’un sondage à la pelle mécanique est estimé à environ 2000 € HT (d’après le guide du LCPC de 2008).

A l’instar du décapage, le sondage à la pelle mécanique est adapté uniquement aux parcelles dénuées de toutes constructions et n’ayant subi aucun remaniement important.

Forages de reconnaissance de vide
Il s’agit de sondages destructifs réalisés à l’aide d’une foreuse, dont l’objectif est de localiser les vides souterrains. Cette technique est notamment utilisée pour déterminer la nature de la cavité à l’origine de l’occurrence d’un désordre en surface (effondrement ou affaissement). L’avantage est qu’il s’agit d’une technique globalement utilisable partout, même sous le bâti existant en utilisant les techniques de forages inclinés. Le principal inconvénient est qu’il s’agit d’une méthode onéreuse puisque la recherche d’une cavité nécessite la plupart du temps plusieurs sondages (les prix varient selon la profondeur et le diamètre utilisé, l’ordre de grandeur étant situé entre 800 € HT et 1500 € HT par sondage).

En règle générale, deux méthodes de forage peuvent être utilisées pour la réalisation de sondages de reconnaissance de vide. Le choix varie essentiellement selon le contexte géologique :
• Le forage en rotation, qui consiste à forer uniquement en détruisant les terrains par l’action de la rotation de la tête de sondage (trépan de type tricône, ou outils à lame). Ce type de forage est adapté aux terrains sédimentaires relativement « mous », comme la craie ;
• Le forage en roto-percussion, qui combine la rotation de la tête de forage avec une percussion généralement générée par un marteau fond-de-trou. Ce type de forage est adapté à la foration de formations « dures ».

Il existe plusieurs diamètres de forage, qui varient globalement de 68 mm à 140 mm. Le choix du diamètre à adopter pour la foration varie principalement selon l’objectif du sondage (reconnaissance de vide / reconnaissance géologique / recherche d’eau etc.). De la même manière, la profondeur du forage dépend de la profondeur de l’objet recherché.

Dans le cadre de la reconnaissance de vide, la foration doit être systématiquement accompagnée de l’enregistrement des paramètres de forage sous la forme de diagraphies. Ces diagraphies peuvent être interprétées en complément du suivi de forage pour vérifier / confirmer la présence d’un vide ou d’une zone décomprimée.
Les principaux paramètres à enregistrer pour la recherche de vides souterrains sont les suivants :
• Vitesse instantanée d’avancement (VA) :
exprimée en m/h, cette valeur est généralement inversement proportionnelle à la résistance mécanique des matériaux traversés. Elle permet notamment d’enregistrer les chutes d’outils lors de la foration d’un vide, ou l’accélération de la vitesse d’avancement de la tête de forage lors d’un passage dans des terrains décomprimés. Pour la reconnaissance de vide, il est généralement recommandé de forer, dans la limite du possible, à une vitesse faible et constante. Les vides et les terrains décomprimés seront ainsi mieux représentés sur les diagraphies ;
• Poussée sur l’outil (PO) :
exprimée en bar, elle indique la pression exercée sur le train de tige par la foreuse. La poussée sur l’outil chute lors de la foration d’un vide. Pour la recherche de vides souterrains, il est généralement recommandé de forer avec une poussée sur l’outil relativement constante, pour bien mettre en évidence la présence de vides ou de terrains décomprimés ;
• Pression d’injection (PI) :
exprimée en bar, elle indique la pression d’injection des fluides de forage, qui permettent de refroidir le trépan lors de la foration et d’évacuer les matériaux excavés. A l’instar de la poussée sur l’outil, ce paramètre chute lors de la foration d’un vide ou d’une zone décomprimée (perte des fluides). Il est généralement recommandé de forer en adoptant une pression d’injection relativement constante ;
• Couple de rotation (CR) :
exprimé en bar, ce paramètre renseigne sur la résistance mécanique des matériaux traversés. Les zones de vides ou de terrains décomprimés induiront une chute du couple de rotation (baisse de la résistance mécanique du terrain). Il est généralement recommandé de forer avec un couple de rotation constant ;
• La pression de retenue (PR) :
exprimée en bar, elle indique la pression de retenue appliquée sur la tige de forage. Cette pression augmente lors du passage dans un vide qui induit une chute de l’outil.

Il est recommandé d’accompagner les diagraphies d’un étalonnage à vide pour faciliter les interprétations.

Protocole de reconnaissance de vides souterrains en terrains crayeux du Calvados

La méthodologie complète élaborée par le LCPC fait l’objet d’un guide technique rédigé en septembre 2008, intitulé « Les marnières de Haute-Normandie : méthodologie d’étude et de prévention ». Pour chaque méthode de recherche de vide, un protocole est proposé.

Cette méthodologie est adaptée aux cavités de l’ex-Haute-Normandie, puisqu’elle a été élaborée à partir de données disponibles sur ce territoire. En outre, ce protocole a été validé par la plupart des bureaux d’études spécialisés et est pris en compte dans les doctrines départementales de Seine-Maritime et de l’Eure.

Le choix des techniques de forage, des diamètres utilisés, de l’espacement et des profondeurs d’investigation dépend directement de la nature de l’objet recherché. Les analyses statistiques effectuées sur les marnières du Calvados ont permis de mieux connaître les principales caractéristiques géométriques de ces cavités.

A la lumière des résultats des analyses statistiques des marnières du Calvados, il est possible d’y adapter ce protocole, deux paramètres en particulier sont à modifier :

• Le diamètre de sondage : les diamètres de 120 mm voire supérieurs à 140 mm recommandés par le LCPC sont certes efficaces, mais plus onéreux que les forages de plus petit diamètre.
Le retour d’expérience réalisé auprès de quelques bureaux d’études normands spécialisés dans la recherche de vides souterrains montre que l’utilisation d’un diamètre de 110 mm semble être un bon compromis pour ce type d’investigations .
• L’espacement maximal entre deux sondages est à réduire à 2 m dans le département du Calvados, compte tenu des résultats issus des statistiques réalisées qui montrent que la moyenne des galeries sont plus étroites dans ce département, de l’ordre de 2 m.

Au regard de ces observations et du résultat statistique, le protocole suivant est adapté aux cavités souterraines du Calvados situées sur substratum crayeux :

paramètres Calvados
technique / méthode de forage Rotation pure (roto-percussion uniquement utilisée pour traverser les bancs de silex) / enregistrement systématique des VA, PO, PI et CR (éventuellement PR) + étalonnage à vide
Diamètre >=110mm

|Profondeur d'investigation|Cas n°1 (information disponible) : foration jusqu’à la profondeur mentionnée dans l’archive + 5 m
Cas n°2 (information non disponible) m : forage jusqu’à 15 – 20 m sous le toit de la craie |
|Espacement maximal des sondages|2 m minimum
> 2 m avec l’avis du bureau d’études
Jamais supérieur à 2,5 m |