Portrait de Pedro Martin : Rester un homme

Mis à jour le 29/04/2020

Issu d’une famille espagnole qui avait fui le régime du dictateur Franco, Pedro Martin s’engage très vite dans la Résistance. Arrêté en 1943, il passe deux ans au camp de Sachsenhausen.

Chez Pedro Martin, la Résistance est un héritage familial. Tandis que ses parents, réfractaires au régime totalitaire de Franco se réfugiaient en France, ses cousins s’engageaient dans les Brigades internationales pour sauver la République espagnole… Alors en 1939, lorsque la guerre éclate en France, le combat clandestin commence aussi pour lui.

Il a quinze ans. « Un soir, à la boxe, j’ai pris le sac de mon cousin. À l’intérieur, il y avait des tracts antiAllemands. Il me tombe dessus et me dit : “Puisque tu sais, tu vas faire comme moi maintenant.” Le soir, il me donnait un paquet de tracts que je mettais dans les boîtes aux lettres avant de rentrer à la maison. » Puis, viennent les premières actions : vol de matériel militaire, surveillance, renseignement… « On savait que si on se faisait prendre, cela aurait des conséquences énormes. La plus grande peur, c’était de voir nos parents se faire fusiller à cause de nous. »

En 1942, il est placé sous la responsabilité de M. FROGER qui lui donne ses instructions. Distribution de tracts et constitution de stocks de matériels utiles à la Résistance sont ses principales missions. Fin 1942, il s’introduit avec quatre autres camarades au sein du Fort d’Aubervilliers afin de récupérer un nombre important de boites de médicaments destinés à la Résistance. La même année, Julio MARTIN et son père sont tous deux arrêtés.

Interrogé durant cinq jours par la Gestapo 1943

Vers la mi-mars 1943, il participe à une mission de renseignement sur un convoi de camions allemands stationnés au pont du Bourget. Le groupe de quatre jeunes gens prend l’initiative de saboter les réservoirs de certains véhicules mais l’un d’entre eux est capturé.

De retour au domicile familial, Pedro MARTIN qui avait pris la décision de s’évader de France par l’Espagne, est arrêté par deux inspecteurs chargés d’enquêter sur ses actions et celles de ses camarades de combat. « J’avais 17 ans, j’étais devenu un terroriste. » Il subit, pendant cinq jours, les violents interrogatoires de la Gestapo qui lui brise la mâchoire et le crâne.

Fin mars, enchaîné à un camarade, il est dirigé en fourgon vers Compiègne puis, le 28 avril 1943, il est déporté vers le camp de Sachsenhausen. « On était là pour mourir. Mais avant de mourir, on subissait le système concentrationnaire qui consistait à nous faire travailler 12 heures par jour ou par nuit, avec un litre de flotte, rutabagas le midi ou le soir. Et ça, je l’ai vécu pendant deux ans ». Là-bas, il faut se battre. Pas seulement pour survivre, mais aussi pour garder son humanité. « Tu vis, et surtout tu veux vivre. Mais pour ne pas mourir, il ne faut pas non plus tomber dans la “dégueulasserie”.
Certains étaient capables de n’importe quoi. Alors il fallait tout faire pour ne pas devenir comme eux, pour une assiette de soupe. Tout faire pour rester un être humain. On a résisté à ça, on est resté des hommes ». En juin 1944, Pedro Martin et ses compagnons apprennent l’approche du Débarquement des Alliés par des civils travaillant dans le camp. La fin est proche, pensent-ils. Il leur faudra attendre le soir du 22 avril 1945 pour voir la porte du camp sauter dans un terrible vacarme. Face à eux, un soldat soviétique. « Il a posé sa mitraillette, et il a pleuré comme un gosse quand il a vu les squelettes qui arrivaient. J’y suis allé, moi aussi, je me suis traîné jusqu’à lui et on s’est embrassé. C’était un môme, il avait peut-être mon âge. »

Résister se conjugue toujours au présent


Ne pouvant pas être rapatrié en raison de son état de santé trop préoccupant, il reste encore deux longs mois avant de pouvoir regagner la France par avion sanitaire, le 21 juin 1945.
Rapatrié en France par un vol sanitaire, Pedro Martin, en très mauvaise santé, est hospitalisé pendant sept mois. « Ce qui m’étonne le plus, c’est d’être encore là aujourd’hui. » À peine sorti de l'hôpital, il accepte de suivre une délégation au Danemark pour témoigner et faire éclater la vérité aux yeux du monde. C'est seulement après avoir accompli ce “devoir de mémoire” qu’il retourne chez lui, à Aubervilliers, où ses proches le croient mort. Pedro Martin a alors 22 ans, et tente de reprendre le cours de sa vie.

Pedro MARTIN s’est investi très tôt au sein des associations de la Résistance et de la déportation : amicale de Sachsenhausen Oranienburg, Union départementale du Calvados des combattants volontaires de la Résistance et section départementale du Calvados de la Fédération nationale des déportés internés résistants et patriotes. Il devient le Président de l’association départementale des déportés et internés résistants et politiques et familles de disparus en octobre 2007 et le Président de l’association du Calvados pour l’animation et la promotion du concours national de la Résistance et de la déportation le 29 septembre 2008.

Très présent dans les manifestations commémoratives organisées au sein du département du Calvados, il se montre toujours prêt à apporter son témoignage auprès des jeunes générations et s’implique fortement dans l’organisation des épreuves du Concours national de la Résistance et de la déportation dans le Calvados (préparation des élèves, correction des épreuves et remise des prix).

« Nous sommes des messagers de la mémoire. On doit renseigner les jeunes. Quand on était au camp, les uns les autres, on s’était dit qu’il fallait qu’on tienne le coup, pour raconter ce que ces assassins nous ont fait. Aujourd’hui quand on constate la situation de notre pays, on se dit ce n’est pas ça qu’on voulait. Mais malgré tout, quand on voit les jeunes, on se dit qu’il faut continuer. Résister se conjugue toujours au présent. Alors allez-y les gars. »

En 2014, il publie aux Cahiers du Temps, un recueil d’entretiens intitulé « C’était la nuit ».

Décorations

 

  • Chevalier de la Légion d’Honneur
  • Commandeur de l’Ordre des Palmes académiques
  • Croix du Combattant volontaire de la Résistance
  • Croix du Combattant
  • Médaille de la déportation et de l’internement
  • Médaille de reconnaissance de la Nation
  • Médaille commémorative 1939-1945
  • Médaille d’or de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre


70 voix de la liberté

Remise des insignes de Commandeur dans l'Ordre des Palmes académiques à M. Pedro MARTIN